Adresse du Sillon au Pape Pie X1
Très Saint Père,
Les angoisses de la France n’ont pas tué l’espérance dans nos cœurs. Les nouvelles générations qui montent à la vie s’apercevront enfin que les rêves de fraternité et de justice sociale ne peuvent devenir réalité sans la force divine que le Christ est venu apporter au monde. La démocratie que nous voulons travailler à fonder réclame impérieusement le catholicisme pour préciser, fortifier, orienter et discipliner ses aspirations.
Nous venons donc, Très Saint Père, au nom de tous les groupements du Sillon répandus dans toute la France, au nom des milliers d’hommes et de jeunes gens qui ont donné leur vie à cette tâche d’apostolat et de conquête proclamer hautement notre attachement et notre inviolable fidélité au Christ et à son Eglise.
Nous voulons être parmi tous vos fils les plus respectueux et les plus religieusement soumis.
Nous n’avons nullement la prétention injustifiée de solliciter de Votre Sainteté une préférence exclusive pour les méthodes propres du Sillon ni une confirmation formelle de notre confiance en l’avenir de la démocratie en France.
Nous tenons seulement à déclarer devant vous que nous savons qu’aucun but humain, qu’aucune préférence particulière ne doit jamais dominer les divines nécessités de la grande unité religieuse catholique. Nous voulons aussi affirmer que rien n’est mieux fait pour respecter la sainte liberté des enfants des Dieu que ta hiérarchie officielle de l’Église : tenant ses pouvoirs mêmes de son Divin Fondateur et placée comme un flambeau devant les siècles qui passent, elle domine les contingences humaines et accueille toue ses enfante avec un cœur égal.
Nous venons à vous non seulement comme au Chef visible de la religion que nous professons mais comme au Père très aimant qui console et qui encourage. Nous retournerons dans notre patrie mieux armée pour la lutte, plus forte et comme invincible.
Puissiez-vous, Très Saint Pire, ne pas désespérer de notre pays, mais bien sentir qu’il y a des relations entre le Pape et la France que nulle force sectaire n’arrivera à dénoncer, car c’est le cœur même de notre patrie qu’elles attachent indissolublement à l’Eglise de Dieu.
Nous vous remercierons de votre accueil mieux que par des paroles, par des actes ; et, Dieu aidant, nous voulons vous prouver que vous n’avez pas eu tort d’avoir confiance en l’effort des jeunes catholiques du Sillon qui conquerront au Christ la démocratie française.
SOURCE
Marc Sangnier, Autrefois, La Démocratie, Paris, 1919, 93p. à p. 71 – 72.
1Cette adresse fut lue par Marc Sangnier lors de l’audience accordée au Vatican le 12 septembre 1904 par le pape Pie X aux pèlerins du Sillon.