A nos amis

Voici que paraît aujourd’hui le dernier numéro de notre Revue qui allait atteindre sa dix-huitième année et qui, sous forme nouvelle et rajeunie, avait, nous l’espérions, un large et fécond avenir.

Témoin constant de nos efforts, lien permanent et ininterrompu de nos tentatives multiples, expression vivante de notre amitié et de notre “âme commune”, elle nous était chère, et ce n’est pas émotion que nous la sacrifions aujourd’hui.

Aucune ordre, aucune demande précise du Pape nous exige ce sacrifice particulier. Nous croyons seulement meilleur et plus généreux de ne pas marchander notre obéissance, et notre dévouement. Nous tenons à ne pas nous contenter de paroles et à donner par des actes des preuves de notre empressement à nous conduire en catholiques fìdèles, fìlialement soumis à l’autorité de l’Eglise. 

Nous connaissons assez nos amis pour être certains qu’ils nous comprendront et que leurs consciences auront les mêmes exigences, la même délicatesse. 

Nous demandons à Dieu de faire tourner à sa gloire et à l’édification de tous les sacrifices même que sa Providence nous demande et que nous voulons accepter avec courage et avec joie. 

Puissions-nous, maintenant, sur un autre terrain, dégagé de toute équivoque avec un zèle plus éclairé, une ardeur plus sûre et mieux défendue contre l’erreur, une intelligence plus claire et plus complète des besoins du temps présent, travailler toujours au bien de notre pays et faire honneur dans notre démocratie française à notre caractère de chrétiens et de catholiques!

MARC SANGNIER

Source: Le Sillon, No. 17, 10 septembre 1910